La photographie

 »Du lisible qui fait voir au lisible qui narre »

« La littérature, art verbeux et artisanal de fabriquer des images à lire qui sous l’égide de la figure reine des rhétoriques, l’hypotypose,  »donne à voir », ne pouvait pas après 1840 ne pas rencontrer la photographie, art muet et industriel de fabriquer des images à voir bien réelles »1.

Effectivement, le XIX° siècle offre un exemple remarquable du renouvellement de l’ut pictura poesis avec la photographie : le rapport privilégié entre la peinture et la poésie a laissé sa place à une nouvelle dynamique : la littérature et la photographie, le huitième art (inventé en 1826 par NIEPCE).

Le terme de photographie, qu a été imaginé par John Herschel, trouve son origine dans la combinaison de deux mots grecs :  »photo » signifiant  »lumière, clarté » et  »graphie » qui provient de  »graphien » :  »peindre, dessiner, écrire ». La photographie est donc le fait de peindre avec la lumière.

Le site internet fabula nous explique que la photo, originellement reléguée au rang de simple pratique technique prend peu à peu une place prépondérante dans le roman à partir du XX° siècle pour finir par y occuper des fonctions diégétiques ou extradiégétiques capitales. Cependant, avant 1980, la photographie et la littérature étaient deux sphères bien distinctes l’une de l’autre comme le prouve la citation de Käte Hamburger en 1957 : « il me semble que la photographie n’ait rien à voir avec les œuvres d’art littéraires ». Cet état de fait n’est bien sur plus d’actualité de nos jours comme le démontre le grand nombre de romans photolittéraires tels que : Facile de Man Ray et Eluard, Nadja de Breton, Regardez-voir d’Elsa Triolet et plus particulièrement Austerlitz de W.G.Sebald.

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Légende : un extrait de Facile qui mêle poème d’Eluard et photographies de la femme d’Eluard prise par Man Ray.

Dernier livre publié du vivant de Sebald en 2001, Austerlitz, nous relate les différentes rencontres du narrateur anonyme d’avec Jacques Austerlitz. Nous suivrons le parcours d’Austerlitz dans la recherche de ses origines.

Sebald utilise des photos au fil de son récit. Elles sont à la fois objet documentaire, pièces à conviction, objet de fiction, illustrations et traces du passé. L’auteur, à l’aide des photographies brouille les frontières entre les genres littéraires : est-ce de la réalité documentaire ou une fiction ? Le texte oscille en effet entre fiction et réalité. Les photographies sont des témoignages de la catastrophe qu’à été la Deuxième guerre mondiale. Elles ont également une valeur biographique, ce qui introduit une redondance  »illustrative » mais qui marque ainsi le récit dans le temps. Enfin, les photos marquent le rythme du récit. Effectivement, le lecteur doit suspendre sa lecture pour regarder les photographies.

Les photographies et le texte sont ici indissociables.

Légende : quand le narrateur évoque un escalier dans son récit, la photographie de celui-ci suit le texte : la photo illustre le récit.

1HAMON Philippe, Imageries. Littérature et images au XIX° siècle, p.42

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