La Cartographie

La carte comme substitue de l’image.

« Tous les grands écrits narratifs contiennent implicitement des cartes, que ce soit la Bible, l’épopée grecque ou la chanson de geste. De fait, on pourrait rendre explicite ces cartes occultes – et cela a parfois été fait par les érudits » Claude Gandelmen.

La cartographie est selon la définition de wikipedia la « réalisation et l’étude des cartes géographiques et géologiques. Le principe majeur de la cartographie est la représentation de données sur un support réduit représentant un espace généralement tenu pour réel » dans un rapport de similitude convenable.

manuscritzola

Légende : les dessins manuscrits réalisés par Zola pour trois de ces romans. Ces dessins sont des plan représentant les les d’action de ses livres : Pot Bouille, L’assommoir et La faute de l’Abbé Mouret.

D’après Roger Brunet dans La carte mode d’emploi, une carte est « une image, une représentation du monde ou d’un morceau du monde. Ou plus exactement, de quelque chose quelque part.

Le dessin ne suffit jamais à lui même : il faut un titre,en général, une légende, parfois un commentaire : bref du texte ». Cette définition démontre que sans texte une carte est illisible, incompréhensible : la carte et le texte sont indissociables.

La carte, en effet, présente un aspect descriptif liant le scriptural et le lectoral : mélange de deux codes sémiotiques, le référent et le code.

Une carte géographique est une représentation graphique du monde réel et/ou imaginaire, comme en fantasy, qui permet au lecteur de trouver la localisation d’objets par exemple.

La fantasy, du grec  »phantazien » signifiant  »faire voir en apparence », est un genre littéraire anglo-saxon qui présente un ou plusieurs élément irrationnels relevant généralement d’un aspect mythique (comme les mythes antiques, les romans de chevalerie) souvent incarnés par l’irruption ou l’utilisation de magie.

Le Journal officiel a défini en 2007 la fantasy comme « un genre situé à la croisée du merveilleux et du fantastique, qui prend ses sources dans l’histoire, les mythes, les contes, la science-fiction ».

Les romans de fantasy possèdent tous un point commun : leur action se déroule dans des mondes parallèles imaginaires, d’où le recours aux cartes. Effectivement, la carte de fantasy est une représentation visuelle de l’imaginaire créé par l’écrivain comme pour le Seigneur des anneaux de J.R.R.Tolkien.

Dans son essai Texte, Image, Liliane Louvel explique qu’une carte est comme un icônotexte, elle est faite pour  »voir », découvrir : « la carte n’est pas une image comme les autres car elle tente de mettre de l’ordre dans le monde », c’est ce qu’elle nomme « l’œil cartographique du texte ».

Tolkien, qui a dessiné et publié lui-même plusieurs cartes de la Terre du Milieu, a permis à ses lecteurs de pouvoir se repérer et de suivre les pérégrinations de ses personnages comme le prouve la carte qui suit :

cartographie_mordor

légende : le trajet rouge correspond au voyage de Frodon et Sam jusqu’au Mordor et le vert correspond à leur voyage retour.

Il est intéressant de noter que les cartes de fantasy reprennent les codes de la cartographie traditionnelle.
En effet, les noms des pays limitrophes sont renseignés, tout comme le nom des fleuves qui sont écrit en bleu, les prairies qui sont en vertes, les noms des villes ou des régions qui sont inscrits horizontalement alors que les noms des fleuves sont eux écrits le long de ceux ci (voir carte ci dessous).

cartographie_terredumilieu

Légende : la carte de la terre du milieu.

Si la carte créée par Tolkien reprend les codes cartographiques traditionnels, ses cartes sont basées sur le monde réel comme le démontre une lettre de l’écrivain :

« La comté est basé sur l’Angleterre rurale et pas un autre pays dans le monde. […] L’action de l’histoire a lieu dans le nord ouest de la terre du milieu, équivalente dans notre latitude au coastland de l’Europe et les rivages du nord de la Méditerranée. La terre des Hobbit et Rivendall correspondent à la latitude d’Oxford ; Minas Tirith correspond au sud de 600 miles est de la latitude de Florence ».

Enfin, le texte et la carte sont indiscutablement liés puisque la carte est la représentation visuelle de certaines descriptions du récit.

Par exemple, à la page 25 du tome 1 du Seigneur des anneaux, Tolkien décrit la Comté en ces termes :

« la comté était divisée en quatre quartiers, auxquels nous avons déjà fait allusion : le nord, le sud, l’est et l’ouest ; et ceux-ci comprenaient à leur tour un certain nombre de régions qui portaient encore le nom de quelques-unes des anciennes familles marquantes, bien qu’à l’époque de cette histoire ces noms ne se trouvassent plus seulement dans leur propre région. Presque tous les Touque vivaient encore en Pays de Touque, mais il n’en était pas de même de maintes autres familles,tels les Sacquet et les Bophin. A l’extérieur des quartiers se trouvaient les Marches de l’est et de l’ouest : le pays de Bouc, et la Marche de l’ouest annexée à la comté en C.12.1460 ».

carto_lacomte

Pour conclure, comme l’a dit Deleuze dans Mille Plateaux, « écrire n’a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier même des contrées à venir ». Ce qui prouve une fois de plus le lien étroit entretenu entre le récit, le texte et la carte, l’image.

Laisser un commentaire